Interview de Bernard Bayot - Financité
« Investir autrement est un acte politique »
Entretien avec Bernard Bayot, directeur de Financité
Alors que les marchés financiers vacillent à nouveau, secoués par les
dernières décisions du président américain, Bernard Bayot, directeur de
l’association Financité, plaide pour une transformation radicale de nos
systèmes économiques et financiers. Face aux logiques de rendement à court
terme, il défend une finance solidaire, démocratique et respectueuse des grands
enjeux de notre temps. Entretien.
Alors que les marchés financiers vacillent à nouveau, secoués par les dernières décisions du président américain, Bernard Bayot, directeur de l’association Financité, plaide pour une transformation radicale de nos systèmes économiques et financiers. Face aux logiques de rendement à court terme, il défend une finance solidaire, démocratique et respectueuse des grands enjeux de notre temps. Entretien.

Il répond aux questions de Nicolas Parent, responsable Communication et Mobilisation EZ
"La finance solidaire est un rempart démocratique"
Q : Bernard Bayot, on a l’impression que le monde est à un tournant depuis l’élection de Donald Trump. Ces dernières semaines, l’instabilité semble s’installer durablement sur le terrain économique et financier. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
B.B. : Ce qui se passe aux États-Unis – mais aussi en Europe – est inquiétant.
Une partie du monde économique et financier prend une place de plus en plus
grande dans la gestion des affaires publiques. On voit émerger une idéologie
libertarienne, incarnée par des figures comme Elon Musk, selon laquelle la
réussite économique donnerait le droit de gouverner la planète. C’est une
vision profondément élitiste, antidémocratique et dangereuse, qui remet en
question toutes les régulations environnementales ou sociales qui lui font
obstacle. Dans ce contexte, la finance solidaire constitue un véritable rempart
démocratique. Construire une alternative économique devient une nécessité pour
faire face aux dérives autoritaires et réactionnaires.
"Il faut mettre l’humain et l’environnement au même niveau que la rentabilité"
Q : Quel modèle défendez-vous chez Financité ?
"Les coopératives sont au cœur du changement de paradigme"
Q : Justement, quel rôle les coopératives peuvent-elles jouer dans ce changement de paradigme ?
B.B. : Les coopératives – comme les mutuelles ou les associations – sont des piliers de la finance solidaire. Elles proposent un rendement modéré, mais une forte plus-value sociale ou environnementale, avec une gouvernance démocratique. Ce modèle est encore modeste – il représente 1,1 % du patrimoine financier des Belges – mais il est robuste, en croissance, et créateur d’emplois durables. C’est un secteur dont on parle trop peu, malgré ses vertus.
Ce qui fait la force de ces coopératives, dans le secteur des énergies renouvelables et au-delà, c’est la transparence. Quand on soutient un projet éolien, on sait exactement à quoi sert notre argent directement. C’est à l’opposé de l’opacité du monde financier traditionnel.
En Belgique, il y a plus de 1 600 milliards d’euros d’actifs financiers : comptes épargne, assurances-vie, SICAV, plans de pension… La manière dont sont utilisés ces actifs par les structures financières qui les gèrent échappe totalement au regard des citoyens. Ce qui est sûr, c’est que les critères de durabilité sont très rarement utilisés. C’est le rendement qui prime au détriment de l’impact social et environnemental.
"L'éolien citoyen peut fédérer autour de l'investissement coopératif"
Q : Le projet Notre Énergie, qui vise à développer l’éolien citoyen en mer du Nord, peut-il, selon vous, être porteur pour attirer les citoyens vers les coopératives ?
B.B. : Il y a un intérêt grandissant pour ce type de projets dont les ambitions sont à la mesure des enjeux énergétiques et climatiques. L’essentiel est que la prise de participation soit accessible. Il est impératif que ce type d’investissement reste ouvert à tous, et non réservé aux grandes fortunes. Sinon, le risque est de faire primer le rendement au détriment des enjeux sociaux et environnementaux qui sont au cœur de ces projets.
"Investir autrement devient un acte politique"
Q : Vous défendez depuis longtemps une alternative économique. Le contexte actuel conforte-t-il votre analyse ?
B.B. : Nous sommes toujours autant confrontés aux limites structurelles d’un système financier tourné vers le court terme et la rentabilité maximale. Le problème fondamental est que les marchés ne sont pas conçus pour répondre aux défis majeurs de notre époque : urgence climatique, justice sociale, défense des droits humains. Ces priorités sont jugées non rentables par ceux qui détiennent le capital.Dans ce contexte, ce que l’on fait de son argent devient un choix politique. Plus que jamais.